Bibliothèque Municipale de Châteauroux ( ancienne mairie)
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 Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent

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AuteurMessage
Floryne de Loisel
Conseillère d'orientation des niv3 - Responsable du cadastre - Membre de la HAC
Floryne de Loisel


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Date d'inscription : 11/11/2006

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MessageSujet: Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent   Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent Icon_minitimeLun 6 Juil 2009 - 9:42

--Mere_Malenpoint a écrit:
[hrp]Ouvert à tous Wink[/hrp]

Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent 66672738yb0

Un pigeon au plumage couleur d’orage vol haut dans le ciel. Il est bien au-dessus des nuages et il sait parfaitement où il va. Accroché à sa patte gauche, un morceau de parchemin plié quatre et embaumant l’eau de rose. Soudain, il pique vers le bas et fend la couverture nuageuse. Au-dessous, apparait un petit village. Châteauroux, le plus beau, le plus fabuleux, le plus original village du Berry. Non, non, pas de chauvinisme. Ce n’est que pure vérité et encore je l’ai amoindrie. Les toits des chaumières se dessinent, des volutes de fumées pointent vers le ciel. Ici des riches maisons bourgeoises, au loin le château d’un noble, là une caserne, etc. Le pigeon descend encore plus bas et déjà il distingue la place du village. Charmant petit endroit s’il en est. Une fontaine d’où s’écoule une eau rafraîchissante, un marché bouillonnant d’activité et sur un côté quelques échoppes d’artisans rivalisant de part leur devantures aguicheuses. Dans un coin de la place, un immense chêne, plusieurs fois centenaire, que se plaisent à escalader les enfants. Un peu plus loin, un vieil abreuvoir en pierre où les mêmes mioches aiment à s’éclabousser en été. Au milieu de cette place, non loin d’un pilori qui n’a que de pilori que le nom vu sa fréquente utilisation, une grande horloge. Lieu de fréquentation assidue, on s’y arrête pour discuter avec gaité quotidiennement. Un village idyllique où règne la bonne humeur et la joie de vivre, où l’amusement est roy, où la bière à bon goût, où le maire aime les petits et les gros cochons et s’appelle Gilou avec son petit accordéon, où les femmes sont belles à s’en damner et… et…et…et…deux vieilles. Humpf. Deux vieilles carnes rabougries assises sur un banc. A croire qu’elles ont le derrière collé dessus vu le temps qu’elles y passent. Le pigeon survole la place, plane quelques instants au-dessus du banc des vielles, vide, et plonge vers une maison déposé la missive chargée de tendresse à son destinataire.

Robinette avait trainé sa vieille carcasse jusque sous le chêne afin de profiter de son ombre. Le soleil était mordant et sa peau flétrie par les années le supportait de moins en moins. Courbée par le poids des années, dur comme la pierre, la vieille baladait constamment ses yeux noir sur les uns et les autres. On pouvait y lire une certaine intelligence auréolée de mesquinerie. Son eternel chapelet glissant entre ses doigts noueux, la harpie semblait prête à déverser son venin.
Pour ce faire, elle attendait sa meilleure amie, Mauricette Lafouine, qui venait juste de se remettre d’une foulure à la cheville. Et c’est l’arrivée de sa comparse que les deux morceaux de charbons qui lui servaient de paire d’yeux guettaient.

--Mauricette_Lafouine a écrit:
Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent Vieilledame1rf1

Du fond de son lit la vieille Mauricette n’avait pu ouïr le moindre potin. Qu’importe la vieille rebouteuse lui avait dit qu’elle pourrait sous peu se lever. Sous peu ! Elle en avait de bonnes ! Cela faisait une quinzaine de jours qu’elle n’avait rien à se mettre sous la dent, pas le moindre potin ni même la douceur de ses journées passées auprès de l’autre commère de Chato, sa seule amie… La mère Malenpoint. Bien évidemment, celle-ci venait de temps à autre lui donner des nouvelles mais force était de constater qu’elle n’était pas la mieux placée pour dégotter les ragots. Par contre, pour les commenter, il n’y avait pas mieux à cent lieues à la ronde.

La journée était magnifique et la Mauricette se décida à mettre son nez de fouine dehors. Aujourd’hui était LE jour ! La vieille pouvait enfin se mouvoir hors de son taudis. Cahin-caha, elle prit la direction de leur banc aidée par la toute nouvelle canne qu’elle s’était offerte. Offerte était un bien grand mot, elle avait plutôt usé de chantage envers l’un des coqs de la ville pour qu’il lui en fasse une en échange de son silence. C’est qu’elle en avait des potins en réserve la Mauricette. Et elle n’hésitait pas à s’en servir pour obtenir ce qu’elle voulait. La plupart du temps, ils se montraient bien trop sots pour essayer de la gruger. Les yeux et surtout les oreilles à l’affut, la mère Lafouine récoltait tout ce qui pouvait alimenter la machine à baver. Et qu’importe s’il fallait enjoliver les choses pour en parler. Après tout, elle avait passé l’âge d’être gentille avec ces greluches qui peuplaient la ville. Elles se valaient toutes certaines étaient juste un peu plus farouches que d’autres.

La place de l’Horloge était enfin à vue de la Mauricette et celle-ci accueillit la nouvelle avec bonheur. Sa maudite cheville était encore un peu douloureuse et elle devait se déplacer encore plus lentement. Sa comparse la guettait. Pour sûr qu’elle aurait quelques potins ou au minimum quelques nouvelles fraîches à commenter. Une fois sa meilleure amie rejointe, la Mauricette posa lourdement ses fesses sur le banc.


Pfff ! Han ! M’enfin pas trop tôt d’chortir un peu. Quek’tu racontes aujourd’hui ?

--Pere_saipoil a écrit:
Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent Vieuxr

Une éternité que le viellard n'avait pas mis le nez dehors ...
Le vieux Saipoil que ses parents avaient amoureusement nommé Aimée (le Berry connut en effet une époque où chacun était fier de sa pilosité ... Epoque malheureusement révolue puisqu'aujourd'hui, le berrichon était de plus en plus sujet à l'allergie aux poils ), Aimée, donc était resté des années cloîtré dans sa vieille bicoque, ses vaches pour seule compagnie, son verre de vin pour seule nourriture ou presque et la visite du petit jeune d'en face pour seul loisir.

Il était bien brave ce petit. Chaque semaine, il venait déballer au vieux curieux tous les derniers potins berrichons, ce qui permit au Père Saipoil de connaître chaque détail croustillant de la vie de personnes qu'il n'avait absolument jamais vues mais qu'il connaissait sur le bout des doigts.
Aimée était heureux de vivre ainsi, avec ses bêtes, son rouge et son conteur personnel.
Seulement le p'tit Firmin devint de moins en moins petit au fil des années, et la semaine dernière, le gosse du quartier avait fini par se marier ! Une donzelle dont le vieux n'avait jamais entendu parler venait tout à coup de mettre un terme à son existence idyllique ! Le pauvre Aimée se retrouva privé de la présence de son p'tit gars et des rumeurs dont il raffolait.


Ce mercredi matin, à l'heure où Firmin faisait habituellement un crochet chez le vieillard, le Père Saipoil se sentit affreusement vide. Sa deuxième bouteille de piquette quotidienne y étant déjà entièrement passée à cette heure matinale, Aimée se devait de réagir. Comment allait-il obtenir des nouvelles de Châteauroux à présent ? Comment pourrait-il connaître les dernières frivolités féminines ? Les noms de toutes ces saintes nitouches déflorées à l'arrière d'une chariotte de paille ou d'un bosquet isolé ? Mais surtout, comment pourrait-il survivre chez lui sans plus aucune vie sociale si tant est qu'il en avait une ?
Un litron de rouge dans une main, sa vieille canne dans l'autre, l'ancêtre prit l'extraordinaire initiative de faire un pas hors de chez lui !



Les rues castelroussines avaient bien changé depuis la dernière fois qu'il s'y était promené. C'était lorsque la Cigismonde était encore en vie et qu'elle lui ordonnait d'aller chercher le pain et la liqueur de poire dont elle était très friande ... trop friande. Le vieux Aimée n'avait jamais su si c'était l'bon Dieu qui lui avait enlevé sa femme ou bien cette satanée liqueur.

Un bon rougeot bien sec te requinquerait ma poussinette !
(qui, aujourd'hui, oserait encore appeler sa petite femme ainsi ?) lui rabâchait-il à longueur de journée. Mais la Cigismonde ne s'était jamais débarassé de cet affreux tord-boyaux et c'est le petit Firmin, alors âgée d'à peine douze ans qui avait profité des dernières bouteilles de la pauvre femme.


L'ancien en prenait tout plein les mirettes et peinait à reconnaître un lieu, un son, une odeur. Il était pourtant un endroit qui n'avait que peu changé si ce n'était la taille de son chêne. Cet endroit semblait toujours être animé de la même joie de vivre, des mêmes railleries, des mêmes déclarations qu'à l'époque. Cet endroit, c'était la place de l'Horloge et ce fut tout naturellement que le Père Saipoil vint à poser son séant sur un banc qu'occupaient déjà deux mamies. Il était quasiment certain d'avoir fréquenté ces dames à un moment ou un autre de sa jeunesse mais il lui était impossible de remettre un nom sur ces visages altérés par le temps.
Dans un effort de communication cohérente, il s'adressa à elles.


Bien le bonjour mes p'tites dames ! Faîtes comme si je n'étais pas là, je ne vous importunerai point je vous le garantie !



Et pour cause ! Le vieux filou savait pertinemment qu'en restant cloué ici une heure ou deux, il en apprendrait bien plus de la part des deux commères que s'il était parti à la chasse au potin en parcourant la ville de long en large.

--Mere_Malenpoint a écrit:
Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent 66672738yb0

La mère Malenpoint ébaucha un sourire faiblard à l’attention de son amie, la mère Lafouine.

Ahhh, te vla enfin !

La vieille se pousse un peu.

j’vois que ta cheville est remise, j’suppose que t’a appelé la r’bouteuse et pas un de ces imbéciles de médicastres. A part t’envoyer dans la tombe, c’est tout ce qu’ils savent faire ceux-là.

La harpie pousse un soupire désappointé avant de grimacer à l’arrivé d’un intrus sur LEUR banc.

B’jour, grogne Robinette.

Les prunelles sombres le regardent de biais. Elle l’a déjà vu celui-là mais sa mémoire lui joue des tours depuis quelques années. Ce visage émacié, ce regard un peu rieur, elle le connaît mais ça remonte à fort, fort, fort, fort longtemps. Robinette hausse machinalement les épaules, certainement un de ses anciens clients de lorsqu’elle tenait son bordel. La vielle bique se rapproche de Mauricette.

Oh, bin ! Si tu savais ma pauvre Mauricette. Les élections sont un vrai fiasco ! Pourtant, l’autre là ! Kimono quek’chose ! Et bin, elle y était point mais y avait l’arsouille que ma foué, j’ai oublié son nom et l’eternel candidat Julius.

Murmurant à l’oreille de Mauricette quelques paroles à peine audibles : j’crois qu’il doit être, comment on dit d’jà ? Sado…Maso…Sada…Oh ! je ne sais point mais tu sais, ceux qui aiment qu’on leur donne des fessées, se faire battre, tu voué quek j’veux dire.

Et puis tu sais point la dernière ?! L’arsouille il a gagné les élections mais c’est point lui l’maire ? Il paraît qu’il a disparu, dodelinant de la tête avec affliction.

Et tu sais qui a repris la mairie ? Tiens devines donc …

--Mere_Malenpoint a écrit:
Les vieilles ne font pas le printemps, elles l'attendent 66672738yb0

Devant faire face au mutisme incompréhensible de Mauricette, Robinette se hâta d’enchaîner avec de nouveaux commérages afin de motiver sa vieille amie. C’est vrai quoué, les potins, y’a rien de tel pour vous remonter le moral.

Bin, oublie l’maire, c’est l’autre, l’ancien mignon de la Prevôte de luxe qui vend son corps à l’ennemi m’tenant
secouant la tête en signe de profonde afflictionil veut qu’on l’idolââââtre le jeune blanc-bec.
Oscillant sa vieille tête fripée de manière négative d’un air blasé.

Bin, ma foué, c’est pas prêt d’arriver, moué j’t’l dis !
La vieille tape le sol de sa canne d’un coup sec et manquant de peu le pied du vieux.


Mé j’ai entendu mieux ! Tu sais, le torchon que la vicomtesse elle écrit. Bin, y’ a pleins d’potin d’dans mais point aussi intéressants que les môôtres y faut dire. Et bien, imagine-toué qu’y paraît qu’elle a eu un enfant bâtard du Velu. Approchant encore un peu plus son visage de celui de sa comparse. Il paraîtrait même que l’enfant serait le fameux DeuxGueules. Ah ça t’en bouche un coin ! Extrêmement fier de l’information hautement importante et véridique qu’elle venait de dévoiler à Mauricette.

Mais, tu ne connais pas le piiiiiiiiiirrreeeee. On m’a dit, enfin c’est la fille du boulanger qui fricote le fils du tailleur qui fait les robes de la vicomtesse qui m’a dit que la Floryne et bin, laissant planer le suspense, elle serait amoureuse de l’autre là, Thomas de Clerette. Ah ah, j’te jure, y’a plus de noblesse de nos jours. J’suis sûre qu’ils s’organisent des soirées particulières dans son château, si tu voué ce que je veux dire. La vielle jette un œil suspicieux au grand-père.

M’enfin, j’dis la noblesse, c’est k’les gueux c’est point mieux ! La blonde tout en rose avec un nom imprononçable Alaenana, kek’chose comme ça. Et bin, elle a un nouveau julot et pis tu sais quoué ? Tu n’devineras point ! Attendant quelques instants mais n’y tenant plus. Et bin, elle est encore grosse. Si c’est pas honteux de voir ça !

Son indignation prononcée, Robinette attendit les commentaires de la seconde harpie avant de lui apprendre la suite des évènements.
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